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Александр III

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Автор: Иван Сергеевич Тургенев
Жанр: Биографии и мемуары

 

 


Иван Сергеевич Тургенев

Александр III

Alexandre III

Non seulement en Russie, mais dans l’Europe entiere on attend anxieusement les premiers actes du nouveau souverain, pour tacher de prejuger quelles seront par la suite son attitude, ses tendances, toute sa maniere de gouverner.

On espere beaucoup. On craint beaucoup. On commente tout ce qu’on sait de sa vie et on en tire des conclusions; puis on se dit: «L’horrible mort de son pere ne changera-t-elle pas absolument ses opinions acquises et connues des maintenant?»

Nous allons essayer de tracer aussi judicieusement que possible le caractere vrai de ce prince, de penetrer en lui, de voir son caeur, qui n’est point double ou ruse; et, de cette connaissance de l’homme, nous tacherons de deduire la conduite qu’il tiendra sur le trone, a moins que des evenements imprevus ne le forcent a suivre une route contraire a sa nature.

I

Alexandre III possede plusieurs de ces qualites puissantes qui font, sinon les grands, du moins les bons et les vrais souverains. Chaque homme nait avec des aptitudes particulieres pour une profession quelconque; ce prince semble ne avec des aptitudes reelles pour le pouvoir.

Il est dans la force de l’age, sain de corps et d’esprit, de grande allure, d’aspect royal. Son caractere est calme, reflechi, energique, equilibre. La note dominante en lui, la qualite qui enveloppe pour ainsi dire toutes les autres est l’honnetete, une honnetete scrupuleuse, absolue, sans pactisations et sans melange. Rien qu’a le voir, on le sent loyal des pieds a la tete, sans plis dans la pensee, d’une sincerite rigide; mais cette excessive droiture ne va pas sans une nuance d’entetement qui en est comme la consequence.

On connait son passe.

Appele a la succession de l’empire par la mort de son frere, n’ayant recu jusqu-la qu’une education purement militaire, il s’est mis au travail avec une volonte et une perseverance remarquables, s’efforcant de devenir digne du grand trone ou il devait monter; il est a constater, d’ailleurs, que le nouveau tzar a plutot une tendance a douter de lui, de son savoir et de son esprit, une sorte de modestie reelle en face de la situation souveraine ou le place la destinee – modestie qui n’exelut pourtant ni l’esprit de suite ni l’energie dans la volonte.

Seul de sa race, peut-etre, il est chaste, et il l’a toujours ete. Il a souvent manifeste dans sa propre famille sa profonde repugnance pour l’inconduite.

Des gens eleves avec lui affirment que, meme enfant, il n’a jamais menti. Et il pousse si loin ses scrupules de franchise qu’au moment d’epouser, pour des raisons politiques, la fiancee de son frere mort, il ne lui a point cache qu’il aimait une autre femme, la princesse M…, qui devint plus tard l’epouse du tres riche et tres celebre M. D… Sa confidence, du reste, eut un echo, car sa fiancee ne lui dissimula point qu’elle avait aime passionnement son frere. Et cependant ils ont forme un menage modele, un menage surprenant de concorde et d’affection perseverante.

On a beaucoup parle de la sympathie qu’il semblait eprouver pour tel peuple et de l’antipathie qu’on lui pretait contre tel autre. On a aussi fait circuler des legendes, des histoires de verre brise, etc., qui sont de pure invention. Tout ce qu’on peut dire de lui, c’est qu’il est Russe, et rien que Russe. Il presente meme un singulier exemple de l’influence du milieu, selon la theorie de Darwin: c’est a peine si dans ses veines coulent quelques gouttes de sang russe, et cependant il s’est identifie avec ce peuple au point que tout en lui, le langage, les habitudes, l’allure, la physionomie meme sont marques des signes distinctifs de la race. Partout, en le voyant, on nommerait sa patrie.

On a pretendu qu’il detestait les Allemands. Mais on a confondu les Allemands d’Allemagne avec les Allemands de Russie: ce sont ces derniers qu’il n’aime point.

On a affirme qu’il cherissait la France avant toutes les nations. Le chauvinisme francais a peut-etre exagere. Voici la verite sur cette sympathie qu’on lui prete depuis longtemps:

Avant 1870, il avait montre des sentiments tres liberaux; il paraissait l’allie de caeur des republicans francais. La-dedans entrait surtout une repulsion manifeste pour l’empereur Napoleon, dont la duplicite, les habitudes de ruse et d’intrigue blessaient tous ses instincts loyaux. Mais quand la Commune est arrivee, une colere indignee lui vint contre tous les faiseurs de revolutions sanguinaires; et il repeta a plusieurs reprises, avec une sorte de regret sur ses convictions evanouies: «Voila donc a quoi ces choses aboutissent!»

C’est seulement depuis que la republique commence a devenir raisonnable qu’une nouvelle reaction en faveur de la France semble s’etre faite en lui.

En somme, la France et l’Allemagne tiennent peu de place dans son amour. Il n’est que Russe. Il n’aime et ne protege que l’art russe, la musique russe, la litterature russe, l’archeologie russe. Il a fonde a Moscou un grand musee national. Pour les memes raisons, il est fervent orthodoxe: sa piete est reele et sincere.

En son pays, la plus grande part de son affection est pour le paysan; e’est sur le paysan que tomberont ses plus larges faveurs; c’est au paysan qu’il a pense, au moment de rendre son premier ukase, le jour meme de la mort de son pere, en rappelant que pour la premiere fois les hommes de la campagne, devenus libres, etaient appeles a preter serment.

Mais si ses bienfaits doivent aller aux paysans, ses rigueurs infailliblement atteindront, du haut en bas de l’echelle, toute la bureaucratie russe, don’t il n’ignore pas la pourriture et les depredations. Pendant le commandement qu’il exerca, son honnetete, revoltee, n’a pas pu se contenir devant les exactions dont il fut temoin, meme dans sa propre famille. Il semble bien resolu a y mettre fin; ce nettoyage de fonctionnaires vereux est meme deja commence.

II

On se demande avec une juste inquietude quelle sera son attitude au dedans comme au dehors.

Pour l’interieur, on a deja parle d’une constitution; des espoirs grandissent, se bercent; on affirme qu’il s’est, de tout temps, assigne, reserve ce role de devenir souverain selon les idees europeennes. Pour l’exterieur, on suppose qu’il s’eloignera de plus en plus de l’Allemagne et qu’il reprendra la politique du panslavisme.

Ceux qui attendent du nouveau tzar une constitution parlementaire perdront vite leurs illusions, nous en sommes du moins persuades. Ses rapports presquer intimes avec le parti ultranational semblent indiquer, au contraire, une certaine defiance a l’egard des constitutionnels. Les idees acceptees en Europe sur les limites d’autorite assignees aux rois sont et resteront longtemps encore etrangeres a la Russie. Le pouvoir imperial preferera proceder par grandes reformes octroyees par ukase pour arriver peu a peu a ameliorer d’une facon sensible le sort de ses sujets, surtout celui des paysans.

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